Avant de commencer cette série de petits moments de travail à un instant donné de l’évolution d’un cheval, je rappelle qu’il ne s’agit pas là de la démonstration d’un idéal, mais de prendre le train en marche d‘une réflexion équestre et de montrer l’orientation d’une gymnastique avec ce qu’il y a d’acquis et de non acquis. Il est évident que le cavalier sera lui même amené à progresser, à apprendre et à se remettre en question.
Le chemin utilisé sera basé sur les préceptes d’équitation académique appuyé sur des analyses de biomécanique équine et non sur la recherche d’un geste artificiel même s’il est plus spectaculaire. L’objectif est d’optimiser les allures naturelles du cheval, de le faire participer par le plaisir de s’exprimer, par la compréhension des aides et non leur obéissance forcée, et de pouvoir partager des moments fusionnels avec l’animal devenant savant et bien dans son corps aussi longtemps que possible.
« La belle équitation, dans sa délicatesse et son bon goût, recherche le développement de ses beautés, en s’appuyant sur les dons propres au cheval, et non en les dénaturant. C’est la nature qu’elle prend pour guide, et non l’extraordinaire, l’excentricité, qu’elle recherche.” L’Hotte
“ L’école classique exige plutôt que, malgré tous les exercices difficiles, les allures naturelles de chaque cheval soient non seulement conservées, mais encore améliorées par un travail qui multiplie ses possibilités physique.” Decarpentry
“…la beauté de son cheval lui apparaîtra comme un don divin, et il se gardera de se perdre en la recherche de subtilités futiles, sachant que la nature peut fort bien se passer de l’art, tandis que l’art, à la longue, ne subsistera jamais hors de la nature.” Podhajsky.
Comme exemple, Vanidoso, très joli et grand modèle de Pure Race Espagnol de 9 ans, reproducteur, aux formes harmonieuses et rondes, possédant une majestueuse sortie d’encolure, avec beaucoup d’expression et appréciant le contact avec l’homme. Il est a récemment été mis pied nu afin de permettre la reconstruction d’une partie accidentée de la paroi du sabot, ce nouvel état pour lui peut le rendre sensible, hésitant ou peu à l’aise sur des sols irréguliers.
il s’agit avant tout :
1. De définir les objectifs techniques,
2. D’en déduire les besoins et les points locomoteurs à améliorer,
3. D’en trouver la traduction biomécanique afin de
4. définir la gymnastique appropriée et de lui donner une hiérarchie en établissant un programme de progression.
5. Développer la finesse
1. Objectifs techniques :
À terme, j’aimerais sentir Vani exécuter des pirouettes au galop avec puissance et légèreté, des changements de pied rapprochés amples et droits, des transitions passage/piaffer/passage sans rupture de rythme, ou des appuyers amples et symétriques, sans que je n’ai à utiliser toute ma force pour le mobiliser, le convaincre, le porter, ni compenser certaines lacunes dans les bases par un sportif jeu de marionnettiste.
2. Analyse des besoins locomoteurs
Pour améliorer le geste sportif et rendre possible de tels mouvements, j’aurai besoin d’augmenter le temps de suspension au trot et au galop, donc de gagner en rebond, en soutien de l’avant-main sans creusement du dos, en force portante de l’arrière-main, de développer les amplitudes sans augmenter la cadence, de développer une impulsion juste, d’affiner la sensibilité et la réponse aux aides … Toute une vie en somme ! Sachant que finalement, tous ces points sont souvent mécaniquement reliés les uns aux autres.
3. Traduction biomécanique
Les ouvrages de Jean-Marie Denoix, comme la « Kinésithérapie du cheval » ou « Biomécanique et gymnastique du cheval » qui reprend son très précieux « biomécanique et travail physique du cheval », hors-série de l’éperon de 1988 expliquent de manière détaillée le fonctionnement de la locomotion du cheval.
« On ne peut améliorer un système sans en connaître les rouages » Denois
Je simplifie et retient pour le moment que la notion de synergie de groupes musculaires parfois antagonistes dont l’action conjointe permet la création commune d’un geste permet de garder une vision globale de la gymnastique proposée. Et qu’il existe différents type de contractions d’un muscle, dont la contraction excentrique qui s’effectue lorsque le muscle se contracte alors qu’il est allongé, « c’est le travail en contraction excentrique qui développe le plus la puissance d’un muscle et son efficacité » Denois. Ce type de travail musculaire sera donc recherché associé aux étirements.
– En premier lieu, le développement des sangles abdominales et leur tonification associés à l’étirement de la ligne du dessus permettrons au cheval de gagner en rebond, et à augmenter son temps de suspension (entre autre).
Cette tonification est amenée par les flexions lombaire, dorsale et cervicale, des allures lentes et vers un contact permanent. Ainsi les muscles abdominaux et le très important ilio-psoas (qui détermine le rassembler par son rôle de flexion de hanche) seront travaillés en contraction excentrique, concentrique et étirés selon les mouvements demandés dans une attitude optimale. La tonification de ce « plancher du mouvement » va être déterminant en posant le socle de toute la progression, « pas d’abdos, pas de dos ». Il n’est pas inintéressant de rappeler que l’engagement dépend de la flexion du dos, et que si ce dernier est en extension (dos creux) il ne peut y avoir engagement.
Les muscles antagonistes devront parallèlement travailler en étirement comme les cervicaux dorsaux, la masse commune, le fessier moyen (un des puissants muscles de la propulsion) ou encore les fémoraux caudaux.…Ce travail en élongation des muscles dorsaux augmente l’efficacité de la contraction musculaire.
– Parallèlement, les assouplissements et étirements musculaires et articulaires dans la décontraction en exécutant la gamme complète des transitions et des mouvements latéraux dans une attitude tête/encolure ouverte contact de l’arrière vers l’avant vont augmenter les amplitudes des gestes, ainsi que la symétrie et la souplesse. Pour le moment Vanidoso n’est pas encore prêt à toute cette gymnastique que j’aborde de manière très fractionnée.
– Le redressement du garrot, l’allégement de l’avant-main, sa légèreté et son soutien seront optimisés par la musculation des releveurs de l’encolure (muscles cervicaux dorsaux) et des muscles sustentateurs du tronc entre l’avant-main.
(rappel et pas des moindres : « La légereté de l’avant-main ne doit pas résulter du seul relèvement de l’encolure dû à une accentuation de la courbure cervico thoracique qui entraine l’opposition entre 2 groupes musculaires antagonistes mais complémentaires et l’obtention d’allures artificielles, voire de troubles locomoteurs » Denois)
Grâce à la gymnastique qui sera appliquée en vue de ces objectifs, nous gagnerons en cadences plus lentes mais propulsives, associées à une meilleure force portante.
4. Gymnastique appropriée et progression
“Ce qui importe, c’est de savoir ce que l’on fait et pourquoi on le fait !.” Henriquet
« …il faut observer que le cavalier a une base solide à créer. C’est sur elle qu’il pourra ensuite édifier la haute école, comme couronnement de son travail. C’est l’affermissement de cette base qui exige le plus long temps de dressage-presque les 2/3 de la durée totale. Ensuite il sera relativement facile au cavalier de donner à son œuvre d’art l’ultime polissage. », Alois Podhajsky est un sage dont les paroles sont à boire sans craindre l’ivresse ni l’excès.
Allons y pour les bases. La préparation est une notion fondamentale en équitation.
La toile de fond sera donc principalement la recherche de contact de l’arrière vers l’avant, sa permanence au sein des allures, des mouvements, puis des transitions et son élasticité. Rester en arrière de la main, fuir le contact, se raccourcir, ou même s’enfermer devront être oubliés au profit d’une attitude antalgique confortable et fonctionnelle.
Je choisis ensuite dans le panel des exercices accédant à ces fonctionnalités, ceux que Vani est capable de faire en restant décontracté, et de les exécuter lentement pour profiter du geste dans toute son amplitude. Aucun des mouvements ne pourra être réellement bénéfique et améliorer sa locomotion comme je l’entends tant que je n’aurai pas accéder à son idée de venir chercher le contact vers l’avant, de le rendre permanent et élastique et donc tant que je n’aurai également obtenu, par la confiance, le respect déterminant de la juste impulsion (énergie du geste lent). C’est également ce contact qui mettra en jeu le début de la tonification des abdos et ilios-psoas.
C’est donc une attitude tête/encolure et un contact que je vais chercher au préalable, qui permettront cette flexion de la ligne du dessus.
Dans l’ensemble Vani n’est pas encore suffisamment en avant de la verticale ni stable dans cette attitude mais progresse de jour en jour.
La vidéo représente un petit aperçu de quelques instants de travail piochés dans une proposition diversifié d’activités.
Le travail à la longe sera effectué sans enrênement en encourageant le cheval à relâcher sa ligne du dessus en laissant allonger l’encolure vers le bas et l’avant, l’alternance des cercles et des lignes droites lui permet d’assouplir le côté extérieur sans le tétaniser, de l’inciter à s’équilibrer de lui-même sur la courbe (engagement). Il n’est pas encore prêt à ce stade à maintenir un contact permanent en bout de longe, à se tendre ce qui me permettrait de l’inciter à rester en bas sur les cavaletti où il a encore tendance à plier les membres sans utiliser son dos, à se remonter. Cette gymnastique dans cette attitude (flexion lombaire, dorsale et cervicale) muscle les abdominaux, l’ilio-psoas, les muscles sustentateurs du tronc (montée du garrot), et les releveurs de l’encolure en contraction excentrique (surtout au galop), étire les muscles de la ligne du dessus optimisant le travail des muscles de la propulsion.
Le travail monté en carrière vise à l’encourager à utiliser son encolure aux trois allures, travail en piste intérieur, cercles, cessions, cavaletti (où l’on voit bien le dos se contracter encore et l’encolure se remonter, lâchant le contact), puis transitions, galop à faux (contractions excentrique des abdos intérieurs au galop, surtout en pli inverse au galop comme le galop à droite à main gauche pli à gauche sur le cercle).
Le travail en extérieur convient bien à Vani qui y trouve beaucoup de plaisir.
« Le geste sportif idéal, est celui qui se déroule dans un bon état de confort moral ou psychique. » Denoix
J’utilise les dénivelés pour l’inciter à travailler les propulseurs dans les montés (fessiers moyens, fémoraux caudaux, et les muscles du dos), à s‘étendre, pour le moment il se retient encore et n’exploite pas assez son balancier qui reste un peu figé/enroulé/raccourci.
En descente, j’aborde les ralentissements, les transitions descendantes, l’ilio-psoas et l’ensemble de la musculature sont fortement sollicités en amortissement. Ce travail est très efficace, déjà en 1593, Salomon de la Broue préconisait la volte sur la pente.
La traction au sol permet de renforcer les muscles propulseurs, le dos, et de diversifier les activités.
« Laissons au cheval le temps d’apprendre son corps, de le situer et d’organiser ses réflexes d’équilibration. Le risque de placer la volonté de l’homme avant la possession des acquis biodynamique du cheval, est de créer des vides sensoriels, des compensations musculaires desharmonisant la locomotion, amputant le potentiel inné que possède tout poulain normal. » Denoix.
5. Finesse des aides
Nous avons jusque là commencé à solliciter les « muscles mobilisateurs, de gymnastique, correspondant aux leviers squelettiques les plus importants et les plus forts. », il est intéressant parallèlement de s’occuper des muscles profonds, « à motricité fine », « ces muscles proprioceptifs assument l’extraordinaire mission de la sensibilité, mais pour qu’ils écoutent et pour qu’ils parlent, le cheval doit être psychologiquement et physiologiquement (sans pathologie/douleur) disponible, car si le musculaire domine, l’importance du muscle mobilisateur verrouille la perception fine proprioceptive en tétanisant l’ensemble musculo-articulaire. »
Cet aspect du travail sera abordé ultérieurement.
L'association Connivence
Cette association (loi 1901 à but non lucratif) à vu le jour en 2009, créée par Emilie Haillot dans le but de promouvoir, sous la forme de stages et conférences, la complémentarité de 4 approches autour du cheval : la connaissance du cheval physique ( biomécanique, énergétique…) , la connaissance du cheval psychique (éthologie, horsemanship…) , la gestion physique et énergétique du cavalier, la technique du dressage du cheval selon les préceptes classiques.
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