Je fais le tour des écuries, des chevaux magnifiques aux encolures élancées et bien greffées se reposent … Je dois écarter de mon enquête les raccourcisseurs de paille et dois bien me rendre à l’évidence, les encolures ne disparaissent qu’en présence d’un cavalier. Jardy, concours national de dressage, Grand Prix… Du haut de son regard noir ahuri, un cheval m’interpelle, “je suis membre du Front de Libération des Encolures”, unissons-nous…
Voilà des années que je n’y allais plus (regarder les compétitions de dressage), n’y trouvant aucun idéal à ma recherche équestre bien au contraire, je repartais souvent déçue du haut niveau français dont j’attendais à mes débuts, comme tout sportif passionné cherchant chez les meilleurs un objectif à atteindre, une exemplarité parfaite. Rien de ce que je voyais ne ressemblait à l’osmose, à la complicité, à l’expression libre et artistique d’un cheval rendu beau par le talent et la discrétion de son cavalier. Mais récemment et plusieurs fois l’on m’a dit « tu sais, les choses sont entrain de changer… »
Colère est le sentiment qui me pollue depuis ce petit coup d’oeil sur les rectangles ce week-end.
Ni art ni sport mais du show, me rappelant ces vidéos choquantes sur les Tennessee Walker (chevaux torturés afin d’obtenir des allures artificielles exubérantes et gagner des prix). La comparaison est cruelle, mais pas si éloignée. Pourtant, je suis tolérante, il m’est arrivée également de m’énerver, de vouloir obtenir tout de suite ce que le cheval ne peux donner, d’exiger par la force une attitude ou un mouvement ou d’insister avec colère sur une résistance (et ce au prix d’une longue culpabilité et de la prise de conscience douloureuse de mes limites).
Je ne vois ni culpabilité, ni état d’âme dans le comportement de certains cavaliers de l’élite nationale qui ont passé la séance d’échauffement à casser la gueule – et je n’ouvre pas les guillemets – à leurs chevaux. Pas un coup de manchette discret ou un coup d’éperon punitif isolé, témoignant déjà d’une certaine médiocrité, mais plutôt un massacre permanent et conscient.
Dans un show, il faut briller, il faut du spectaculaire. Or, la décontraction ne produit pas le spectaculaire, et le spectaculaire semble le critère majeur pour prendre des points. Pousser le cheval à être spectaculaire, c’est pousser le cheval à bout, le provoquer sous la contrainte et la violence, dans la compression, par une équitation de l’avant vers l’arrière, pour obtenir des mouvements exubérants, des trot allongés façon boxe, du trot suspendu par la main (« passage » dans le texte)… Nouvelles allures artificielles applaudies, je ne reviens pas sur ce qui a été suffisamment dit et prouvé (Gerd Heuschmann, Pierre Pradier, Jean-Marie Denois …) sur la souffrance psychologique et physique induite par ces méthodes.
Le cheval se défend, comme il doit le faire depuis 10 ans, tous les jours de sa vie, il est devenu résistance, sa musculature en témoigne. Il se prend des coups dans le ventre et dans la bouche, ou les deux en même temps, il se fait cisailler la bouche, balancer la tête à gauche puis à droite par de violents coups de main, plaquer le menton sur le poitrail tout en devant piaffer, appuyer ou changer de pied, tout son corps surchauffe, attaqué en permanence sans raison, sans comprendre, les muscles compressés, les vertèbres sous pression, l’hideux tableau est admiré.
Puni, il offre tout de même de jolies notes, et reçoit pour remerciements une récupération en mode gauche droite et de grandes claques sur l’encolure. Pourtant ce n’est pas faute de s’exprimer, la queue est un hélicoptère, les oreilles couchées en arrière, la bouche grande ouverte malgré la muserolle serrée, les yeux vides. L’esprit du cheval à quitter son corps livré à la science inculte, mort d’identité.
Colère donc contre les cavaliers fossoyeurs, les entraîneurs qui cautionnent, les juges qui encouragent, les spectateurs qui applaudissent…
Rien de ce que je vois n’est équilibre
Rien de ce que je vois n’est rectitude
Rien de ce que je vois n’est fluidité
Rien de ce que je vois n’est vraie impulsion
Rien de ce que je vois n’est légèreté
Rien de ce que je vois n’est beau
Rien de ce que je vois n’est Équitation
Équitation perdue, à quoi bon ?
Un enfant passe en vélo devant la carrière du Grand-Prix :
“-Attend, regarde, c’est le Grand Prix” lui dit son père
– Dis donc le cheval n’a pas l’air content !”
“-Essaye déjà d’en faire autant…avant de critiquer !
Je me retourne dans l’espoir d’encourager l’enfant à garder ses intuitions, mais ils étaient déjà partis et je me dis silencieusement : « pourvu que jamais, je n’arrive à en faire autant !”
L'association Connivence
Cette association (loi 1901 à but non lucratif) à vu le jour en 2009, créée par Emilie Haillot dans le but de promouvoir, sous la forme de stages et conférences, la complémentarité de 4 approches autour du cheval : la connaissance du cheval physique ( biomécanique, énergétique…) , la connaissance du cheval psychique (éthologie, horsemanship…) , la gestion physique et énergétique du cavalier, la technique du dressage du cheval selon les préceptes classiques.
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