Je parle et détourne mon attention alors que Kelso est au bout de la longe au trot. Pendant quelques minutes je l’ai laissé seul et autonome, c’est-à-dire que je n’ai pas eu les yeux rivés sur lui, à vérifier s’il était régulier, relâché, cadencé… Il profita de cette liberté virtuelle pour trouver sa cadence, se relâcher et mettre et se route calmement. Focaliser sur lui en analysant chacune de ses foulées est déjà une trop grande pression pour lui, son message est clair : lâcher prise, lui faire plus confiance. Si je veux qu’il relâche son mental, je dois relâcher le mien !
“…l’équitation, si l’on veut qu’elle devienne un art, exige une décontraction parfaite des deux partenaires.”
Podhajsky
Je remarque que Kelso a fait des progrès considérables au bout de la longe, travail que nous ne pouvions pas faire il y a encore peu de temps d’une part à cause d’une boiterie systématique sur le cercle à droite, puis d’une trop grand émotivité le faisant réagir au quart de tour au moindre stimulus.
Ses trois allures non seulement s’améliorent encore en rebond, amplitude et cadence mais son mental aussi : il semble mieux se connaître, sait se rééquilibrer de lui-même, trouver la position antalgique à main droite, gérer son temps de mise en route et d’étirements, mes aides sont réduites à leur minimum. En le changeant de main, il se met tout seul en extension d’encolure dans un pas franc et ondulé, part de lui même au trot souple et cadencé dans la bonne attitude puis au petit galop rebondi vers le bas, il n’a plus besoin de moi…
Je remarque avec ce cheval, que la répétition de certains exercices les améliorent mais pour d’autres les détériorent. Les exercices latéraux (correctement exécutés) répétés plusieurs fois chaque jour, tout comme le départ au galop, amènent un progrès dans le mouvement. Mais la répétition d’airs comme le piaffer/passage, transitions de l’un à l’autre, changements de pied/pirouettes au galop une fois que le cheval les connaît, ne progressent pas par la répétition (si l’on considère que l’amélioration serait d’y prendre plus de force, plus de symétrie, plus de rebond, d’amplitude, d’impulsion, de brillant… et non pas de se mécaniser dans la connaissance parfaite du mouvement en gardant ses faiblesses perceptibles).
Plus je travaille sans objectif (compétition, spectacle, mon propre plaisir, mouvement particulier…) et pour lui, c’est-à-dire dans un entretien quotidien de son appareil locomoteur : souplesse, fluidité, rectitude, perfection des transitions de toutes sorte, symétrie des mouvements, régularité, cadence, mouvement juste et lui appartenant, sans geste artificiel et dans la plus grande décontraction, associant ainsi le calme du mental et l’élasticité corporelle entièrement liés, plus il semble progresser dans l’ensemble de son dressage. “Une chose fondamentale : la relaxation physique et mentale. Ne rien entreprendre sans cela.” Oliveira
En effet, si je le monte tous les jours en lui demandant de me donner tous les mouvements du “Grand Prix”, moins j’ai de brillant et de plaisir de sa part, il s’éteint, se mécanise, des douleurs et des résistances s’installent auxquelles chaque jour j’amène ma touche de gommage par compensations diverses (demi-arrêt, actions de main, de jambes…). “Lorsque l’objectif est avant tout de plaire, on est, là aussi, au bord d’un piège qui se referme tôt ou tard.” Henriquet. Mais si comme c’est le cas en ce moment, je ne le travaille que dans la gymnastique d’étirement et de musculation ciblée à ses faiblesses, le jour où je le monte pour mon propre plaisir (rassemblé, pirouettes, changements de pieds rapprochés, piaffer, passage, transitions trot allongé/passage/piaffer…) comme ce fut le cas samedi dernier, je suis alors sur un cheval qui a gagné en force, en propulsion, en facilité d’exécution, en impulsion, en légèreté, sur un cheval qui se fait plaisir, et le plaisir partagé n’est-t-il pas le meilleur ?
De plus en plus, notre quotidien consiste donc à peaufiner tranquillement les bases, à préparer cet instant de plaisir qui est de monter un cheval dressé, préparation au plaisir qui comme les préliminaires, semblent indispensables à l’harmonie parfaite.
“Avoir un cheval dressé, ce n’est pas seulement collectionner les mouvements ou avoir des allures amples, c’est surtout avoir un cheval en équilibre, heureux et sans résistance.”
Oliveira
“L’équitation moderne a un peu laissé toutes ces choses de côté car elle n’est pas basée sur la recherche de la légèreté permanente. C’est pourtant elle qui permet au cavalier de jouir d’un cheval agréable, d’un cheval qui n’est surtout pas traumatisé dans son corps ou dans sa tête.”
Oliveira
Kelso avale son repas puis appelle, afin de me prévenir qu’il a fini et est prêt à rejoindre au pré ses occupations équines, nez dans les graminées.
L'association Connivence
Cette association (loi 1901 à but non lucratif) à vu le jour en 2009, créée par Emilie Haillot dans le but de promouvoir, sous la forme de stages et conférences, la complémentarité de 4 approches autour du cheval : la connaissance du cheval physique ( biomécanique, énergétique…) , la connaissance du cheval psychique (éthologie, horsemanship…) , la gestion physique et énergétique du cavalier, la technique du dressage du cheval selon les préceptes classiques.
Vous appréciez ce site ?
Partagez-le sur vos réseaux !
Merci !