Pourquoi, alors qu’aujourd’hui des esprits scientifiques chevronnés s’y affairent passionnément et ont des analyses indiscutables, continuons-nous de faire fausse route et de détruire aveuglément des animaux au nom de la performance subjective ?
Gerd Heuschmann nous ouvre les yeux sur les aberrations mécaniques mais malheureusement spectaculaires du nouvel effet de mode (« marcheur aux jambes » de Heuschmann, « trot is money » de Pradier…), obtenues dans des souffrances inacceptables, pour un art ayant perdu son âme. Besoin de briller et de marquer des points passent avant le respect de l’animal. L’ignorance aux sommets a un bien mauvais visage.
D’abord, changeons notre regard. Car le plus inquiétant est de voir « superbe », magnifique », « bravo », « un vrai génie » sur les commentaires des photos et vidéos de FB de ces chevaux torturés !
Pourquoi les écuyers de l’art équestre (comme Steinbrecht pour n’en citer qu’un mais la liste est longue), sans en avoir les explications biomécaniques poussées, savaient-ils respecter l’animal et le travailler juste, en prenant le temps ?
Gerd Heuschmann est venu en France, au Haras de la Cense, parler de sagesse.
A force d’observer de plus en plus de chevaux consulter pour de plus en plus de boiteries provenant d’une équitation coercitive, il a décidé qu’il était temps « d’arrêter le massacre » et d’instruire les cavaliers. Mais aussi, au-delà de la polémique, il nous achemine vers un vrai rappel des préceptes de l’équitation académique. Le mouvement en avant provenant de la propulsion des postérieurs se transmet par l’impulsion via un dos décontracté à l’avant-main et permet un contact perméable égal sur les deux rênes avec une mâchoire décontractée, un cavalier bien assis, relâché, heureux et souriant.
Sous forme d’explications biomécaniques simples mais efficaces, comme l’interdépendance des structures (muscles, articulations, squelette, fascias…), les chaînes musculaires, les actions mécaniques, il nous démontre par exemple pourquoi la position tête/encolure influence la position du dos (centre du mouvement) du cheval, ainsi que sa tension ou décontraction, et donc la locomotion, le rassembler (tiens, j’ai déjà entendu ça quelque part…).
De la même manière, il insiste sur l’importance des mouvements libres pour commencer, le cheval plaçant tête et encolure dans l’attitude qui lui est confortable (tiens, j’ai déjà entendu ça quelque part…), sur l’importance de la décontraction, du chanfrein en avant de la vertical (tiens…), du mâchouillement (tiens…), d’un dos souple sans lesquels le rassembler est impossible, sur l’importance de la lenteur des mouvements latéraux au pas (tiens…)…
Puis de la nécessité absolue de ne pas serrer les muserolles, de ne pas placer trop haut trop tôt les jeunes chevaux, de ne pas encapuchonner « façon puzzle » (rollkur) puisque de toutes façon le résultat biomécanique est le désengagement (qui doit être l’objectif actuel du Grand Prix à en croire les magnifiques piaffers à ce niveau !) ou encore latéralisation du pas, perte de la diagonalisation du trot, accidents des suspenseurs… (tiens, tiens, tiens…!)
Tiens, ça me dit quelque chose… :
Il est remarquable de constater que deux vétérinaires qui ne se connaissent pas, provenant de deux pays différents, Pierre Pradier en France et Gerd Heuschmann en Allemagne, tous deux spécialisés et passionnés par la locomotion et la biomécanique, tous deux ayant vus dans leur carrière d’innombrables boiteries causées par de tristes erreurs équestres courantes, tous deux cavaliers, tous deux érudits, passionnés d’équitation classique, aient fait les mêmes observations au gré de leurs rééducations quotidiennes, les mêmes raisonnements et aient tirés les mêmes conclusions. Les similitudes des analyses sont frappantes, confirmant une seule vérité, celle du mouvement juste.
Nous avons eu la chance Kelso et moi de rencontrer Gerd Heuschmann lors de cette conférence.
Je le présente : « cheval ibérique à vocation dressage loisir, 14 ans, dressé jusqu’au rassembler qui présente occasionnellement une boiterie de l’épaule gauche lors de mouvements demandant l’abduction de cet antérieur. »
Hier Kelso était réellement boiteux en liberté et à la longe alors qu’il venait de passer 4 jours au pré sans travailler.
Kelso est un peu inquiet, j’essaye de le détendre en extension d’encolure mais la profondeur du terrain à laquel il n’est pas habitué ne lui permet pas de descendre sur un contact franc, je le laisse donc un peu flottant. Gerd Heuschmann me demande si je le fais descendre aujourd’hui parce qu’il est là ou si je le fais tous les jours. Je lui dis que c’est notre travail quotidien. Il trouve que le cheval a un joli trot, lent et ample, trot que j’ai mis 10 ans à obtenir. Il me demande tout d’abord de sortir de ce trot cadencé et de le mettre plus en avant, plus rapide, plus libre, plus actif. Tout comme le galop, en avant en suspension, il veut que le dos (muscle long dorsal) se « débloque » et se mette à onduler de façon plus évidente, que les muscles propulseurs de l’arrière-main s’activent. C’est pour lui la condition pour permettre le rassembler comme il nous l’a expliqué adroitement dans la partie théorique.
Je reconnais que depuis maintenant un an nous avons nettement réduit les sorties en extérieur qui permettaient de travailler la propulsion (muscles extenseurs de arrière-main). Gerd ne voit aucune irrégularité, la mise en avant est pour lui la solution à mon problème. Je peux également l’aider en me mettant au trot enlevé sur le mauvais pied sur le cercle à main gauche (côté creux).
Puis sur le cercle, s’installer au trot assis dans une cadence naturelle au cheval et confortable au cavalier. Transitions trot/galop/trot, nuque le point le plus haut, puis au trot garder les postérieurs sur la même ligne, et bouger les épaules (en dedans, en contre-épaule) puis inversement, les épaules sur la même ligne et passer de la hanche en dedans au « travers » (changement de pli). Mais Kelso s’enfonce dans le sol et accuse déjà le coup de la mise en avant, il s’affaisse, s’enroule et je n’ai pas de contact, difficile de lui garder la nuque au point le plus haut. Puis transitions pas/trot/pas et décomposant la transition.
La selle tourne et je suis emportée vers la gauche accentuant mon asymétrie naturelle et celle du cheval. Cette selle est pour lui une « prothèse », trop profonde, trop en arrière et risquant avec l’amortisseur d’appuyer sur les apophyses transverses des lombaires, et les taquets trop volumineux empêchant la liberté d’assiette et de hanche. Selle à changer donc.
Il me donne également des conseils sur ma position : les mains plus devant, plus soutenues comme deux verres de champagne, dos moins en arrière, assise plus droite, plus centré (Sally Swift ? ), plus relâchée…
Enfin il m’expliqua dans le piaffer l’importance de l’assiette, plus je relâcherais les lombaires, plus j’obtiendrais la mobilité des siennes, et donc l’ondulation du dos, et donc un meilleur rassembler tout en continuant à avancer.
L'association Connivence
Cette association (loi 1901 à but non lucratif) à vu le jour en 2009, créée par Emilie Haillot dans le but de promouvoir, sous la forme de stages et conférences, la complémentarité de 4 approches autour du cheval : la connaissance du cheval physique ( biomécanique, énergétique…) , la connaissance du cheval psychique (éthologie, horsemanship…) , la gestion physique et énergétique du cavalier, la technique du dressage du cheval selon les préceptes classiques.
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